Victoire! Les journées de libération pour congrès devront être remboursées en entier

Un maillet

Les journées de libération pour congrès devront dorénavant être remboursées en entier et comprendre le temps de déplacement. Voilà une belle victoire pour les membres.


Fin 2018, quelques mois après la signature de notre nouvelle entente collective, un nouveau gouvernement du Québec est élu et Danielle McCann est nommée ministre de la Santé et des Services sociaux. Quelques mois plus tard, un nouveau sous-ministre adjoint transmet à tous les établissements de santé du Québec une nouvelle directive modifiant unilatéralement la portée de l’article de notre nouvelle entente collective portant sur les libérations pour congrès. La directive prévoyait que :

« (…) si le congrès ne se déroule pas sur une journée entière, l'établissement ne peut octroyer un congé en vertu de l'article 13.02 pour toute cette journée. De plus, ces congés ne doivent pas être utilisés dans le cadre des déplacements afférents à la participation à un tel congrès. »

Or, selon l’entente collective, les activités scientifiques constituent une priorité pour les médecins résident·e·s durant leur formation postdoctorale, tel que le stipule l’article 13.01, suivi de l’article 13.02 dont le texte était contesté par le ministère.


13.01  Activités scientifiques
La participation aux activités scientifiques, dans le cadre du programme de formation universitaire, est prioritaire à toute autre activité du résident sous réserve de la dispensation des soins urgents aux bénéficiaires sous sa responsabilité.

13.02   Libération pour congrès médicaux
Il est loisible à tout résident d’assister sans perte de salaire à un ou plusieurs congrès médicaux ou scientifiques reliés aux compétences à acquérir au programme de spécialité, jusqu’à concurrence de dix (10) jours par année jusqu’au 30 juin 2018 et de sept (7) jours par année à compter du 1er juillet 2018.

Préavis à l’établissement
Le résident donne à l’établissement un avis d’au moins trente (30) jours du lieu et de la nature du congrès, sauf s’il y a entente avec l’établissement pour un délai plus court. (…)


Des griefs déposés

La FMRQ, avec les associations facultaires, a déposé une douzaine de griefs, après que des établissements aient refusé ou annulé après-coup des libérations pour congrès de nos membres en application de cette directive ministérielle. Le temps de déplacement pour se rendre et revenir n’était plus pris en compte dans les libérations, de même que les périodes de temps des congrès jugées comme ne faisant pas partie intégrante des activités scientifiques. Les établissements ont alors demandé aux médecins résident·e·s de piger dans leurs banques de congés, dont celles des vacances annuelles. La FMRQ a alors donné mandat à ses procureurs externes de contester la légalité de la directive ministérielle unilatérale. Les audiences et plaidoiries devant le Tribunal ont eu lieu en avril et mai 2021.

Une belle victoire judiciaire de la FMRQ


Le Tribunal vient de rendre sa décision cet automne et la FMRQ gagne sur toute la ligne!

Voici les extraits pertinents de la sentence du Tribunal:

[31] Le Tribunal est d'avis que le texte [notre article 13.02 notamment] est clair et n'a pas besoin d'être interprété.

(…)

[34] Le Tribunal est d'avis que les journées de libération ne peuvent être fractionnées et doivent inclure le temps de déplacement.

(…)

[35] Dans le premier cas, l'entente collective prévoit des jours de libération et ne fait pas référence à des fractions de jours.

[36] Ce serait aller contre l'esprit et la lettre de l'article 13.02 que de conclure que l'établissement puisse décortiquer une journée de congrès pour en dégager les seules heures ou minutes où le résident est assis devant un formateur ou un conférencier.

[37] Le terme "congrès médicaux ou scientifiques" doit se lire comme un ensemble d'activités regroupant des professionnels de la santé et en comprendre tous ses aspects.

[38] Quant au temps de déplacement, [le tribunal est] d'avis que l'accessoire suit le principal et que l'établissement qui libère avec solde un résident pour assister à un congrès doit aussi le libérer le temps nécessaire pour s'y rendre et en revenir.

(…)

[40] Enfin, soulignons que le texte de l'article 13.02 doit aussi se lire et se comprendre en lien avec les dispositions des articles 2.01 et 13.01 de l'Entente collective (voir paragraphe 8).

[41] Ces articles de principe sur l'importance de la formation et de l'acquisition de compétences doivent guider l'établissement dans sa gestion des libérations pour congrès médicaux et scientifiques afin de faciliter la participation du résident, non pas la compliquer.

[42] POUR TOUS CES MOTIFS, après avoir examiné les textes pertinents de l'entente collective, les plaidoiries écrites des parties de même que la jurisprudence, le TRIBUNAL :

▪ ACCUEILLE les griefs;

▪ DÉCLARE que la directive ministérielle datée du 12 mars 2019 est invalide et ne respecte pas les articles 13.01 et 13.02 de l'Entente collective;

▪ DÉCLARE que les résidents peuvent être libérés pour un temps de déplacement raisonnable afin de se rendre et de revenir de leurs congrès médicaux et scientifiques en vertu de l'article 13.02 de l'Entente collective;

▪ DÉCLARE que les libérations pour congrès médicaux et scientifiques prévues à l'article 13.02 de l'Entente collective ne peuvent être divisibles en portions de journées pendant les jours durant lesquels le congrès se déroule;

▪ ORDONNE au ministre de la Santé et des Services sociaux d'informer tous les établissements quant à la non-validité de la directive datée du 12 mars 2019;

▪ ANNULE toute décision administrative émise par un établissement en application de la directive ministérielle du 12 mars 2019, depuis la date du présent grief;

▪ RÉSERVE sa compétence sur les mesures de réparation (…)

Deux ans et demi avant de pouvoir obtenir gain de cause

C’est souvent frustrant de constater que des partenaires croient pouvoir unilatéralement modifier les règles du jeu à leur avantage et ce n’est parfois que par la voie judiciaire que nous pouvons nous faire respecter.

Cela exige du temps et les membres qui ont été lésés dans chaque cas sont souvent entrés en pratique autonome une fois que les litiges se règlent. Mais il faut rappeler que les médecins résident·e·s d’aujourd’hui bénéficient des gains des luttes syndicales menées par les membres qui les ont précédé·e·s et, bien sûr, les luttes d’aujourd’hui pourront aider nos futurs membres. Les batailles que l’on mène visent souvent bien plus que l’objet concret du litige en cause et soulèvent aussi des questions de respect des membres et de leurs représentant·e·s, de respect des ententes convenues, et elles représentent également de belles occasions de faire de la prévention, puisqu'une décision des employeurs invalidée par un Tribunal passe un message à la communauté et cela permet de prévenir des décisions du même genre pour l’avenir.

Alors que nous nous préparons à négocier le renouvellement de notre entente collective, cette victoire récente représente aussi une belle leçon d’humilité pour nos collègues haut placés au MSSS – avec qui nous avons régulièrement des échanges constructifs cela dit – en leur rappelant qu’ils doivent faire preuve de respect à l’endroit des médecins résident·e·s du Québec et des ententes mutuellement convenues.